Culture, Relations internationales

Rencontre avec Nicolas Dias

Président de l'association Les Mousquetos

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Les 31 mai, 1er et 2 juin prochains se tiendra la première édition du festival Portugalia consacré aux arts et à la culture portugaise. Rencontre avec l’un de ses promoteurs, Nicolas Dias, président de l’association Les Mousquetos.

Par Benoît Piraudeau

À Tours, la communauté portugaise est très présente (je l’associe d’ailleurs au quartier Courteline et à la rue Lamartine). Pouvez-vous nous raconter sensiblement l’histoire de cette diaspora lusitanienne en Touraine et ce qui explique l’attraction tourangelle en particulier sur les Portugais ?

En amont de cette entrevue, je souhaiterais tout d’abord clarifier que je ne prétends pas être un porte-parole de la communauté portugaise sur la métropole tourangelle, dont je fais partie, mais je peux partager avec grand plaisir ce que je connais, à mon niveau. D’autres personnes plus qualifiées le feraient ou l’ont fait bien mieux que moi. En disant cela, je pense notamment à l’actuel Consul Honoraire du Portugal à Tours, Louis Palheta, ou encore à Robert Collet, président de l’association France-Portugal 37 pendant 20 ans, aujourd’hui disparu, auteur du remarquable ouvrage “Portugais en Touraine, de 1930 à aujourd’hui”.

En tant que Tourangeau de coeur et « lusodescendant », descendant de « la troisième génération », mes parents étant nés au Portugal et moi-même en France, je suis profondément ancré dans mes racines lusitaniennes. Je revendique d’ailleurs fièrement cette double culture. Malgré celles et ceux qui voudraient nous réduire, je me considère 100 % français et 100 % portugais.

Alors très succinctement, pour répondre à votre question, s’il m’apparaît certain que les Portugais ont sans nul doute trouvés dans la Vallée de la Loire des reflets similaires à ceux qui illuminent les rives du Douro ou du Tage, il n’en demeure pas moins que leur arrivée en France dans les années 1960-1970 s’explique pour des raisons moins poétiques.

Beaucoup d’entre eux ont fui la dictature salazariste, installée de 1933 à 1974, les guerres coloniales et les conditions économiques désastreuses. La migration portugaise a été concentrée sur une période d’environ quinze ans, entre 1960 et 1975, répondant aux besoins de main-d’œuvre pour la construction de logements et la croissance industrielle en pleine expansion.

Tours, située sur la route venant de la frontière espagnole, est devenue un point d’arrivée naturel pour de nombreux Portugais, venus clandestinement ou légalement. Ils ont accompagné les grands chantiers tourangeaux destinés à développer la périphérie sud (Rabière, Rives du Cher, Fontaines) puis Nord (quartier Europe) ou rejoint les fleurons de l’industrie de l’époque, tels que l’usine Michelin à Joué-lès-Tours par exemple, etc. Ainsi, des quartiers comme Courteline et la rue Lamartine sont devenus des points d’ancrage de cette communauté. Malgré la disparition progressive des épiceries portugaises du centre-ville (fort heureusement il en existe encore dans d’autres villes de la métropole, à Saint-Pierre-des-Corps, Saint-Cyr-sur-Loire ou à Joué-lès-Tours), des lieux emblématiques comme La Bonne Assiette et le bar du 25 avril continuent de jouer un rôle central.

Je n’oublie pas non plus de citer le dynamisme associatif, notamment dans le sport et le folklore, qui a également contribué à ancrer cette communauté en Touraine.

Quand et pourquoi avez-vous imaginé la création d’un festival sur la culture portugaise ? Quel a été l’élément déclencheur ? 

L’idée de créer un festival dédié à la culture portugaise est née d’un constat partagé avec un ami tourangeau, Joao Gonçalves. Nous avons remarqué qu’au sein des associations portugaises en Touraine, l’accent était principalement mis sur des aspects traditionnels tels que la langue, le folklore et le sport. Bien que ces aspects soient essentiels, nous avons ressenti le besoin de mettre en lumière le Portugal d’aujourd’hui et de demain, au-delà de la patrimonialisation de sa culture.

C’est ainsi que l’association Les Mousquetos est née, composée de Portugais, de “lusodescendants” et d’amis et amoureux du Portugal. Notre association a pour ambition de proposer au public d’explorer l’art de vivre et la culture de l’une des plus vieilles nations d’Europe qui n’a de cesse de nous surprendre, de se renouveler et nous dévoiler de nouvelles et merveilleuses découvertes artistiques et culturelles. Ce festival est motivé par une envie profonde, un besoin ressenti par ses instigateurs de partager de nouvelles expériences et promouvoir la culture portugaise au-delà des frontières, tout en brisant certains clichés encore bien ancrés. Notre objectif principal est de faire découvrir au plus grand nombre les arts et la culture portugaise à travers un festival artistique, familial et ouvert à tous, qui, nous l’espérons s’inscrira dans la durée.

Pouvez-vous nous présenter les temps forts de ce festival, et surtout pouvez-vous nous pourquoi, forts, ils le seront ?

Bien que notre festival ait été initialement prévu avec un programme plus étendu, nous avons dû nous adapter à des contraintes financières. Cependant, pour marquer le cinquantenaire de la Révolution des Œillets qui a rétabli la démocratie au Portugal en avril 1974, nous avons maintenu certains événements. Notamment, une conférence gratuite, animée par Louis Palheta, Consul Honoraire du Portugal à Tours, à l’auditorium de la Bibliothèque Centrale de Tours, intitulée, Regards croisés : les relations franco-portugaises au fil des siècles, des ateliers d’éveil à la langue portugaise et un ciné-débat, au CGR Cinémas Tours Centre, sur le film “Capitaines d’Avril”, qui sera le point d’orgue de ce week-end aux couleurs du Portugal. Pour cette occasion, nous aurons le privilège de projeter le film Capitaines d’avril, réalisé par Maria de Medeiros, qui plongera le public dans l’histoire fascinante de la Révolution des Œillets au Portugal. Après la projection, un débat sera animé par deux invités d’exception : l’actrice et réalisatrice mondialement célèbre, Maria de Medeiros, notamment reconnue pour son rôle emblématique dans le film culte de Quentin Tarantino, Pulp Fiction, ainsi que de l’éminent historien Victor Pereira, auteur du récent ouvrage intitulé « C’est le peuple qui commande : la révolution des Œillets 1974-1976 ». Ce sera une occasion unique pour les spectateurs d’interagir avec des personnalités de renommée mondiale et d’approfondir leur compréhension de cet événement historique majeur.

Ces événements seront forts car ils permettront de célébrer l’histoire commune franco-portugaise, de sensibiliser le public au riche patrimoine et à la culture du Portugal, tout en favorisant des moments de partage et d’échange entre les participants. En outre, le contexte du cinquantenaire de la Révolution des OEillets ajoute une dimension particulière à cette célébration, mettant en lumière l’importance de cet événement historique pour la démocratie et les relations internationales.

Qu’attendez-vous, au-delà d’un temps festif original, de ce festival, en termes de retombées ?

Cette année, notre objectif est de créer un premier événement qui servira de tremplin à des éditions futures encore plus ambitieuses. Nous espérons que cet événement et ceux à venir contribueront à renforcer les liens entre les communautés portugaise et française à Tours, à sensibiliser un public plus large à la diversité culturelle du Portugal et une fois encore à dépasser les stéréotypes.

Nous avons déjà des projets ambitieux pour la prochaine édition, en 2025, notamment avec l’organisation d’un concert exceptionnel avec la fadista Carminho et le parrainage du comédien Bruno Sanches qui nous soutient dans notre démarche. De même, nous souhaiterions également contribuer à l’initiative municipale de féminiser les noms de rues, en envisageant la mise en lumière d’une personnalité portugaise. Cette action symbolique refléterait la reconnaissance de toute une communauté qui, jusqu’à présent, n’a pas été officiellement représentée à Tours, j’entends par le nom d’une rue, malgré sa contribution significative à la ville et à la métropole tourangelle.

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