Portrait d’Herman Fosso

C ’est d’abord un rire qui explose, rebondit contre les murs et vous emporte avec lui aussi facilement qu’un Roger Milla exécutant un pas de danse face au poteau de corner. C’est ensuite une impressionnante carrure qui en impose et vous fait cogiter deux fois avant de lui apporter la contradiction. Herman Fosso quitte le Cameroun à 18 ans avec son bac scientifique en poche et rejoint son frère, agent de joueur, à Tours pour intégrer les équipes de football métropolitaines (Chambray-lès-Tours, La Riche, l’AC Portugal…). Il porte un numéro – le 9, le même que Roger Milla, premier Africain à jouer trois coupes du monde – qui résume sa personnalité.

Des animations dans les quartiers

Sur un terrain, l’avant-centre doit faire preuve d’explosivité pour prendre de vitesse les défenseurs adverses.
« Arrivé en France, je me suis tout de suite senti accueilli. On m’a fait signer un contrat d’éducateur. Je jouais avec les adultes le week-end et j’entraînais les enfants le mercredi. » C’est une mauvaise blessure au genou qui l’éloigne définitivement du tapis vert. Mais dans sa tête une idée avait déjà germé. Dans les quartiers – au Sanitas et Europe – mais aussi à Saint-Pierre-des-Corps, il découvre ébahi les nombreuses activités proposées aux jeunes par les centres sociaux. « Les ados d’ici ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont par rapport à ceux qui vivent au Cameroun où il n’y a rien ! Là-bas, certains, dès l’âge de 6 ans, doivent aider leurs parents et parcourent parfois plusieurs kilomètres dans la ville pour faire du commerce avant d’aller à l’école. »

Chaque année, il y passe deux mois en hiver où il déploie des activités sportives populaires « pour les jeunes et les femmes ». Le week-end, très tôt le matin – dès 6 h 30 avant que l’activité économique ne démarre – il réunit des dizaines, parfois des centaines de personnes sur des places publiques pour une séance de « zumba, danse, fitness » avec de la musique à fond les ballons. Sa plus grande fierté, il la présente sur son mobile par l’intermédiaire d’une vidéo dont le son, poussé au maximum, vrille les tympans.

En février, devant la mairie de Yaoundé 6, arrondissement de la capitale camerounaise qui compte deux fois plus d’habitants qu’à Tours, un millier d’enfants et d’adolescents dansent sur une musique crachée par d’énormes haut-parleurs. « Regarde, lâche-t-il en pointant du doigt son écran. Les gens sont tellement préoccupés par le quotidien qu’ils en oublient de prendre soin d’eux alors qu’ils ont aussi droit au bonheur ! »

Je rêve d’organiser un événement aussi populaire et rassembleur que les 10 & 20 km de Tours. Nous avons besoin de ce genre de rendez-vous qui réunit toutes les générations.

L’association Airwearsport fondée à Tours juste après la fin du confinement a pour objectif d’organiser, de promouvoir des événements sportifs et de proposer des séances au quotidien en France mais aussi en Afrique. « En 2020, j’étais resté coincé au Cameroun pendant la pandémie car tout était bouclé en France. À Yaoundé 6, la quarantaine – houlà ! [il éclate de rire NDLR] – ça n’a tenu que 2 jours ! Les gens étaient dans les bars, les rideaux tirés, avec de la musique. Quand je suis rentré en France au moment du déconfinement, le monde associatif était en train de s’écrouler… ».

En effet, dans une note d’analyse réalisée en 2021 à partir d‘un sondage auprès de 10 000 associations, le Mouvement associatif (lemouvementassociatif.org) notait un bénévolat menacé et une baisse de la fréquentation des adhérents malgré une reprise des activités. « Après avoir été enfermés chez eux, j’ai l’impression que les gens sont devenus plus repliés sur eux-mêmes. » Pas de quoi entamer l’enthousiasme de celui qu’on aurait pu qualifier de « lion indomptable » en référence au surnom des joueurs de l’équipe nationale camerounaise de football.

Rendez-vous pour Octobre Rose

Lui préfère se dire « inépuisable ». Intérimaire pour subvenir à ses besoins, il se mobilise aussi dans les centres sociaux du territoire l’été, lors des fêtes des écoles lorsque les parents font appel à ses qualités d’« ambianceur » ou en organisant la dernière fête de la musique dans le quartier de l’Europe. Son combat depuis trois ans, c’est aussi de soutenir Octobre Rose, campagne annuelle nationale qui fait la promotion du dépistage du cancer du sein auprès des femmes et qui récolte des fonds pour la recherche. « Une amie a récemment perdu sa mère à cause d’un cancer. Cette maladie tue des femmes mais détruit aussi leur entourage. »

Vendredi 6 et samedi 7 octobre, il organise une série d’événements au gymnase des Tourettes pour toute la famille (entrée payante destinée à récolter des fonds pour Octobre Rose).