portrait de juliette draux
© Ville de Tours - F. Lafite

Commerce, Gastronomie

Portrait de Juliette Draux

La tentation du bon

Quand elle pâtisse, Juliette Draux exprime un idéal de justice et ses délices laissent entrevoir un monde, facile à digérer, au bon goût de vouloir durer. Rencontre forcément savoureuse.

Publié le

Rue Bernard Palissy, céramiste féru d’histoire naturelle, il y a cette plaque brisée dédiée à Augustin Mouchot, pionnier de l’énergie solaire, et juste en face, il y a L’Instant, salon de thé que Juliette a repris à l’été 2020. Il était jusqu’alors tenu par Christine Huguet, « devenue une amie », chez qui, souligne-t-elle, « je pouvais boire un chocolat au lait d’amande ou déguster des gâteaux sans produit d’origine animale ».

Passée de l’autre côté de la vitrine, Juliette s’y réfléchit toujours, ses valeurs aussi. Sous le haut patronage des arts de la table et du feu, elle n’aurait pu trouver à Tours de « meilleur lieu » pour renouveler et ensoleiller la pâtisserie, la sienne offrant l’avantage d’être accueillante pour qui souffre d’intolérances alimentaires, « de plus en plus répandues », observe-t-elle.

Première pâtissière végétale de France

Pâtisser sans œuf, sans lait et sans beurre, c’est faire autrement et c’est convaincre les papilles au-delà de la cause animale qui, dit-elle, « revient pour me motiver dans les moment durs ». Son cœur est si bien à l’ouvrage que la Tourangelle a fait fondre un jury de grands chefs en octobre dernier, lesquels l’ont sacrée « Première pâtissière végétale de France ». À travers Juliette était salué un trio gagnant : la qualité gustative, l’innovation culinaire et le respect de l’environnement. Un trio qui, à l’heureuse lauréate, en rappelle un autre…

Remontant le temps comme la petite route menant à l’étang de Battereau à Saint-Martin-le-Beau, Juliette entrevoit sa grand-mère originaire des Ardennes « préparant avec une même pâte, une tarte au sucre, une tarte au fruit et une brioche ». Cet autre « instant » de partage, sa « Madeleine », ne saurait faire l’objet d’aucun reniement. Juliette inscrit sa démarche aussi dans le respect de la tradition, de ces « petits rituels très attendus ».

En revanche, ce qui l’était moins, c’était qu’elle devienne pâtissière. Des classes préparatoires (khâgne et hypokhâgne) aux études de droit de l’urbanisme et de l’environnement, son cursus offrait d’autres débouchés que d’aller vers des bouchées qu’avec plaisir certes, l’on déguste. D’évidence avec elle, « la logique mène à tout, à condition d’en sortir » et l’ex-juriste illustre l’adage à la perfection : à défaut de casser des œufs, il s’agit, pour exemple, de casser « la logique consistant à surexploiter des poules » (entre autres animaux) pour que, des œufs, elles en pondent à un rythme industriel. C’est à un affrontement en duel, sans arme ni violence, sur le pré carré réservé au « bon goût » que Juliette s’est préparée tout ce temps, confiante aujourd’hui dans le bouche-à-oreille, allié efficace de ses plus succulentes plaidoiries.

La logique mène à tout, à condition d’en sortir.

Étonnamment cohérente

Alors, à ses yeux, « tout se tient » aussi bien que sa crème fouettée sans lactose. Il y a dans ses réalisations présentes tous ses apprentissages passés et ce qu’elle veut être encore demain : « la plus juste », et la plus surprenante encore, au gré de ses expériences, de l’emploi d’ingrédients de substitution (lait de soja ou d’avoine, huile d’olive, de coco ou de pépins de raisin, etc.) à celui de fleurs et herbes aromatiques, tels « le bleuet, la bruyère, le lamier, rose ou blanc, le sureau, ou, plus étonnant, le lierre terrestre, comestibles et utiles pour décorer ou rehausser des saveurs ».

Même sa pratique du russe se trouve justifiée autrement que par la simple fascination d’une culture étrangère aussi contrastée que la poésie de Pouchkine : en cuisine végétale, c’est aussi avec un « alphabet » différent qu’il faut composer pour obtenir, non des sonorités singulières, mais des textures originales. Par les temps qui courent, sans doute, Juliette proposerait à ses homologues slaves, de se laisser conquérir par sa crème diplomate vanille, en plus d’un financier noisette et cœur caramel… À l’oreille déjà, Mikhaïl Lermontov, auteur du célèbre poème Le Démon, rimerait presque avec ses entremets coco-citron, sa signature à elle, dont l’acidité contrôlée saurait défaire les âmes les plus fatalistes.

Au début d’une rue prédestinée, en héroïne de notre temps, Juliette invite, à tout le moins, à céder enfin à la tentation du bon.

Juliette Draux en quelques dates :

1989

Naissance à Tours le 27 février

2007

Bac littéraire

2015

Devient végétalienne

2017

Création de sa micro-entreprise en cuisine

2020

Reprise du salon de thé L’Instant

2021

Premier prix de pâtisserie végétale

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