Chimiste et docteur en biologie, il a joué un rôle essentiel dans l’amélioration de la qualité des vins, grâce à la maîtrise des températures de vinification. Directeur du Laboratoire d’analyses et de recherches d’Indre-et-Loire, ses travaux scientifiques ont fait autorité auprès de ses nombreux amis sommeliers, œnologues et vignerons.
Jacques Puisais cultivait avec élégance la langue du vin, celle qui s’enrichit de nuances sensorielles : “Le vin vous raconte les empreintes du sol, sa nature, sa géographie, son climat, et il raconte aussi l’empreinte de l’homme qui a taillé la vigne, qui a vendangé et vinifié le raisin… un vin sincère doit mettre en valeur l’air et la terre, il doit sertir son origine”.
L’art de mettre des mots sur des mets
Visionnaire, Jacques Puisais est le premier à considérer que le goût n’est pas simplement une question de saveur, mais une perception globale du produit : sa texture, son odeur, et toute une relation affective qui l’entoure. Avec poésie, il milite pour le goût juste : ce fameux triangle qui relie un homme, un produit et une situation. Une expérience sans artifice ni sophistication, comme “le plaisir de manger un œuf dur sur le zinc du buffet de la gare de St Pierre-des-Corps avant de prendre le train”.
Dans les années 70, il crée une méthode d’éveil sensoriel qui fait entrer le goût dans les écoles primaires : une véritable “révolution de palais” pour des milliers d’enfants qui apprennent à mettre des mots sur des mets, et à partager leurs émotions avec leurs “co-pains” (dans le sens étymologique de “celui avec qui on partage le pain”). La dégustation d’une simple pomme devient un moment unique qui va s’ancrer dans la mémoire, l’instant où chacun s’exprime et se construit sa propre échelle d’évaluation. Ainsi naît l’émotion partagée.
Ambassadeur du terroir tourangeau
En 1976, Jacques Puisais cofonde l’Institut Français du Goût à Tours : il met autour de la table des pharmaciens, médecins, sociologues, psychologues, historiens, restaurateurs, des dirigeants de l’industrie agro-alimentaire… Des profils variés réunis autour de la sensibilité alimentaire. “Très impliqué pour soutenir la candidature de “Tours Cité de la Gastronomie” en 2016, il a participé à la construction de toute une réflexion qui a fait de notre Ville un lieu de rencontre de toutes les disciplines autour de l’alimentation”, rappelle Jean-Pierre Corbeau, vice-président de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation (IEHCA) “avec l’idée déjà présente de valoriser les produits locaux dans le respect de l’environnement.” Même si son talent influença les plus grands chefs étoilés dans les accords mets-vins, il défendait une gastronomie accessible à tous, dès le plus jeune âge, dans les cantines scolaires.
« Quand il intervenait dans des colloques internationaux, il ne manquait jamais de faire connaître et déguster les vins de Vouvray et les rillettes de Tours,” se souvient Jean-Pierre Corbeau. Conteur d’histoire passionnant, il s’amusait avec son auditoire et savait transformer chaque dégustation en moment de communion solennel, chaque repas en cérémonie. Le fringant nonagénaire laisse dans son sillage de nombreux disciples qui ont à cœur de continuer à transmettre les préceptes de ce père spirituel. Puisse sa disparition fédérer de nouvelles synergies qui honoreront sa mémoire à la hauteur de l’héritage qu’il nous laisse.