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© Hasti Radpour

Culture, Relations internationales

Portrait de Hasti Radpour

Le souffle et la plume

Dans le cadre du programme d’échanges Part Her entre Tours et Linköping, l’artiste suédoise Hasti Radpour a été retenue pour pavoiser le pont Wilson.

Publié le

En 2007, Hasti quittait son pays d’origine, l’Iran, pour la Suède. Très fière d’avoir étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Téhéran, elle y a côtoyé « de grands professeurs et reçu un enseignement fantastique », mais à l’air libre, explique-t-elle. L’artiste, confrontée à « des règles étouffantes », n’a pas d’autres choix que « de s’en aller pour repartir de zéro ».

S’envolant pour la Suède, elle emporte avec elle une éducation non religieuse, le souvenir de ses parents ouverts d’esprit et la plume de Homâ. L’oiseau mythologique est attaché au premier empire perse, lequel n’imposait pas une culture homogène et la foi en Ahura Mazda (le Seigneur sage).

Quatorze ans plus tard, un « piège à loup » est tendu à la liberté. « Je suis née après la révolution islamique qui depuis s’emploie à effacer la véritable identité iranienne. Dans les manuels scolaires, il y a très peu d’écrits sur l’histoire de l’Iran avant la conquête musulmane ! Si triste et insultant… ».

Hasti ne s’est pas exilée en Europe pour témoigner de nouvelles formes de bannissement : « valoriser la culture et l’identité est parfois confondu avec des idées racistes. Néanmoins, il est important d’établir une frontière claire entre cette intention et des relents fascistes. Dans ce monde globalisé, il doit y avoir plus d’acceptation et de respect, ou bien le piège se refermera violemment ».

En femme libre

À Tours, pavoiser l’historique pont de pierre, sur lequel Balzac s’est promené, fait sens. C’est la plume de ce géant, rappelle Hasti, qui inspira celle, aussi grande, d’August Strindberg quand il écrivit Le Bouc émissaire. Dans ce roman, le héros y « supporte les coups du destin, l’un après l’autre, sans laisser s’éteindre son espoir tout ensanglanté », et fait écho aux rêves et cauchemars d’une artiste à jamais entre deux rives. « Intégrée à la société suédoise non sans difficultés », Hasti se sent « plus mature, plus colorée, plus contrastée » et n’hésitera pas, après Homâ, à convoquer Hræsvelg, aigle de la mythologie nordique et « créateur du vent » pour qu’au-dessus du plus grand fleuve sauvage d’Europe – la Loire – se déploie l’expression d’une femme libre.

Le mot est-il libre ?
 
Dans le parc de Vadstena, Är ordet fritt ? (Le mot est-il libre ?) représente une plume piégée, brisée, ensanglantée.
 
Hasti Radpour interroge : « l’oiseau s’est-il échappé ; est-il libre maintenant ou a-t-il été attrapé par un autre piège ailleurs dans le monde ? ». Au moins sait-on que l’artiste insufflera aux pavois du pont Wilson les motifs de sa propre liberté.

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