portrait d'alexandre philip dans la salle moliere du conservatoire de tours le 11 avril 2023
Alexandre PHILIP, acteur, réalisateur et scénariste dans la salle Molière du Conservatoire de Tours le 11 avril 2023 © Ville de Tours - F. Lafite

Culture

Portrait d’Alexandre Philip

L'effet de la rampe

Le comédien, scénariste et réalisateur est attaché à la Touraine. Dans sa mini-série Handicops qui met en scène une brigade d’agents en situation de handicap, le logo reprend le front de Loire de Tours. Mais au-delà de la comédie, Alexandre Philip milite pour changer les idées reçues : oui, il y a des acteurs et actrices en situation de handicap.

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Au moment de notre entretien début avril, Alexandre Philip revient d’un tournage à Reims pour la série Machine, réalisée par Fred Grivois qui sera diffusée sur Arte en 2024. « C’est une série de kung-fu marxiste, une rencontre improbable mais pertinente entre Germinal et Kill Bill, tournée pendant la contestation sociale de la réforme des retraites. » Il partage l’affiche avec Joey Starr. L’héroïne, jouée par Margot Bancilhon, est une « paramilitaire qui va mettre ses compétences martiales au service de la lutte ouvrière ». Un rôle qui fait écho à celui qui préside le club des Arts Martiaux Larichois. « Quand j’étais gamin, aucun club ne voulait de moi, car ils avaient peur que je me pète un bras. J’ai dû attendre ma majorité pour pratiquer sous ma propre responsabilité. » Alexandre Philip est en situation de handicap à cause du syndrome Holt-Oram qui associe malformations cardiaques et des membres supérieurs.

« Ce qui m’attire dans les arts martiaux, c’est le travail technique, les armes et la santé. C’est une pratique que je veux lier à mon travail. J’ai réalisé le court-métrage Hajimé (2021), une comédie qui met en scène le « survido », l’art martial des intellos dans les cours de récré pour se protéger des petites frappes. Je n’ai jamais été un grand sportif. La série Vestiaires, c’était vraiment une aventure pour moi. » Son interprétation d’Orson l’a révélé au grand public et le festival de La Rochelle lui a remis le Prix ADAMI de la Révélation Masculine en 2016, pour sa participation à la série dont la 11e saison est disponible sur France.tv.

Il cherche d’abord des comédiens

« Elle a fait avancer les choses en termes de banalisation du discours sur le handicap. Auprès du public, ça a un super effet, mais du côté de la profession, ça reste le projet des handicapés à la piscine. » Une question de fond qui guide son parcours dans le cinéma : « Imaginez un film avec un sprinteur. Il a un accident de bagnole et finit en fauteuil. On prend un acteur tétraplégique ou valide ? Je n’ai pas la réponse. Aujourd’hui avec la technique, on peut faire les deux. Dans Captain America, ils ont pris la tête de Chris Evans qu’ils ont mis sur le corps d’un acteur chétif grâce au deepfake1. Les Anglo-Saxons ont toujours eu un coup d’avance sur nous. Ils ont même fait jouer le rôle d’un géant à Peter Dinklage [acteur de petite taille, NDLR] dans un Marvel ! »
Dans la série Handicops (France TV) qu’il a tourné en cinq jours à Tours en 2022, il a volontairement entrepris un long casting pour trouver des comédiennes et comédiens. « J’ai pris un genre que tout le monde connaît : la série policière. Et je ramène ma problématique du handicap là-dessus, mais ce n’est plus le sujet, c’est le prisme. J’ai même réécrit un rôle pour une actrice formidable, Héloïse Gaubert, qui a un trouble du spectre autistique. Elle joue le rôle d’une super enquêtrice. Elle voit tout, elle pige tout, c’est une espèce de Sherlock Holmes. »

On est 12 millions de personnes handicapées en France – sans compter nos familles – donc ça concerne vraiment tout le monde. Et 2 % de présence à l’écran de personnes handicapées, ce n’est pas assez.

Né en Charentes d’un père pasteur et d’une mère enseignante d’anglais, Alexandre Philip s’installe à Tours à 6 ans. « J’ai suivi le circuit scolaire bobo classique : école Mirabeau, collège Anatole-France, lycée Descartes. La comédie et le théâtre, c’est venu très consciemment car j’ai toujours aimé ce rapport au jeu et dans ma famille il y a toujours eu cet accès facile à la culture même si ce n’était pas considéré comme un vrai métier. En série S au lycée, je m’ennuyais comme ce n’est pas possible… Le seul moment où je m’éclatais, c’était l’atelier théâtre. »

L’entrée au Conservatoire de Tours en 1999 est la continuité logique. « J’y ai fait les rencontres les plus décisives de ma vie : les professeurs Philippe Lebas et Christine Joly, ainsi que mes camarades Matthieu Lemeunier, Charlotte Ligneau, Didier Girauldon… » Et surtout Samuel Bodin, son complice avec qui il tournera Marianne ou la série Tank.

Les oeufs de Shakespeare

Les deux compères créent la compagnie Les Gueuribands en 2002. « Et là sont nées les premières idées de sketches, d’impostures, d’impros. On s’est retrouvé dans la comédie et le genre. On adorait le Conservatoire, mais on cherchait quelque chose de moins cadré. On a créé une adaptation de Macbeth tellement mauvaise que Shakespeare sortait de sa tombe pour nous bombarder d’œufs… » L’aventure durera 10 ans.

Leur dernière création, le vaudeville catastrophe Ma femme, est présenté au festival d’Avignon. « On termine la tournée et j’apprends, au cœur de l’été 2011, que je suis pris sur la série Vestiaires et que notre projet Lazy Company avec Samuel est commandé par OCS pour une saison. » L’aventure des Gueuribands se termine.

Les trois saisons de Lazy Company, qui narrent les pérégrinations de parachutistes américains incompétents la veille du Débarquement, ont été diffusées sur OCS dès 2012, France 4, Netflix et sont disponibles maintenant sur Disney +.

Pour la photo illustrant ce portrait, Alexandre Philip a choisi la salle Molière du Conservatoire de Tours. « C’est ici que tout a commencé, que j’ai appris mon métier, que l’on écrivait des bêtises avec Samuel Bodin au fond de la classe… » Il découvre une rampe qui permet l’accès des personnes à mobilité réduite à la scène.

Prenez-la en photo ! Quand j’étais élève, elle n’était pas là.


* Deepfake : hypertrucage, technique multimédia qui repose sur l’intelligence artificielle et permet de changer la voix ou le visage d’une personne


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