Le sens de la ville, c'est d'y vieillir mieux

Plan bien vieillir

Un « chez soi » évolutif, des mobilités sécurisantes, un espace public bienveillant, un accès facilité à des activités dans lesquelles s’investir et par lesquelles le moral tient, voilà l’enjeu du « Plan bien vieillir » de la Ville de Tours face au vieillissement de la population.

En 2030, 21 millions de Français auront plus de 60 ans ; la tranche des 74-85 ans aura bondi de 47 %. Dix ans plus tard, une personne sur quatre aura plus de 65 ans alors que le nombre de naissances ne cesse d’atteindre des taux historiquement bas. Or, en France, le contrat social entre les générations repose essentiellement sur une pyramide des âges qui ressemble à une pyramide, pas à un trapèze, au risque de voir s’effondrer notre système de sécurité sociale qu’on avait fini par croire immortel.

« C’est pour les personnes démunies et seules que le problème social sera le plus aigu, prédisait en 2002 le démographe Jean-Claude Chesnais. La demande de services (aide-ménagère, par exemple), de logement adapté aux handicaps et surtout d’hébergement médicalisé va connaître un développement d’autant plus spectaculaire que la crise de la famille (recul du mariage, hausse des unions libres et des divorces) tend à affaiblir les solidarités traditionnelles. »

Un an plus tard, la canicule fera 15 000 morts, illustrant tragiquement la fracture dans les chaînes de solidarité les plus élémentaires : nos anciens, morts de déshydratation, avaient accès à l’eau courante, suggérant qu’ils étaient surtout morts de solitude.

Nous adoptons une vision panoramique du vieillissement, au-delà de la seule dimension médico-sociale. »
Rachel Moussouni, adjointe au maire déléguée aux affaires sociales

Dès sa prise de fonction en 2020, le Maire de Tours diligenta l’élaboration d’un Agenda 21 de la longévité, partageant, avec celui du développement durable, le même impératif : vivre en autonomie le plus longtemps possible.

Le CCAS de la Ville de Tours qui a fait du bien-être et des solidarités de proximité un principe d’action au sein de ses six résidences autonomie et quatre EHPAD, s’est alors vu confier l’application des grandes orientations fixées par ce même Agenda 21, centralisant et coordonnant les initiatives portées par la Ville et ses partenaires institutionnels et associatifs. « Considérant prioritaire l’aide aux plus fragiles et la lutte contre le sentiment l’exclusion, ce plan instaure un cercle vertueux », explique Rachel Moussouni, adjointe au maire déléguée à l’action sociale. « C’est avoir un chez soi adapté à ses capacités financières, mais aussi physiques. C’est pouvoir en sortir plus aisément grâce à des mobilités rendues plus sûres, c’est se rendre à l’activité qui fait plaisir, qui sociabilise avec, sur le chemin, le mobilier urbain opportun pour faire une pause. C’est se retrouver dans des espaces de convivialité et intergénérationnels. C’est finalement opter pour une vision panoramique du vieillissement », insiste-t-elle.

Apparaît donc l’obligation de repenser tout le cadre de vie en milieu urbain que la génération du baby-boom (1946-1974), de la prospérité et du plein-emploi avait instauré en même temps qu’elle avait fait de son propre vieillissement le grand impensé des Trente Glorieuses, comme elle avait fait de la voiture un emblème de liberté, et du « vieux », une figure repoussoir dont l’espérance de vie, de 59 ans en 1946, laissait à penser que la retraite, c’était l’affaire des morts, sauf qu’ « avec l’allongement de la durée de la vie, rappelle l’élue, le troisième âge peut aujourd’hui durer quarante ans »

Une révolution culturelle contre l’âgisme

« Voilà les effets de la retraite : L’homme est né pour la société : séparez-le, isolez-le, ses idées se désuniront […], des pensées extravagantes germeront dans son esprit, comme les ronces dans une terre sauvage. » Déjà en 1790, le philosophe Diderot dénonçait le fléau de la solitude. Jamais depuis, l’humanisme hérité des lumières n’a engendré sur ce thème de « révolution ». Pire, la statistique économique a créé la case « inactif » dans laquelle, tôt ou tard, chacun finira par être injustement « remisé ». Pour Rachel Moussouni, « la révolution pour changer de regard sur nos aînés est éminemment culturelle, ce pourquoi le “Plan bien vieillir” entend valoriser toutes actions liant sensiblement les générations entre elles », à l’instar du travail accompli, entre autres, par les médiatrices culturelles du Musée des Beaux-Arts. Cette année, elles ont chargé des lycéens de présenter les collections du musée aux résidents de l’EHPAD Les Varennes de Loire. Une peinture a retenu leur attention, intitulée La tendresse maternelle (1910). Son auteur, Paul Leroy, y représente son épouse et son bébé, Sacha, future grande artiste (décédée en 1972). Dans les regards complices et les discussions entre jeunes et anciens, il semblait qu’une épine venait d’être retirée du très « sauvage » et « enroncé » tableau du monde.

Les quatre dimensions du “bien vieillir”

Le « Plan bien vieillir » poursuit quatre objectifs autour desquels la Ville et son CCAS consolident leurs partenariats et concentrent leurs efforts.

Un habitant sur quatre vit dans le parc social. 25 % des locataires de Tours Habitat et 22 % des locataires de Ligéris ont plus de 65 ans. Le directeur général Grégoire Simon de Tours Habitat précise : « 90 % des résidents veulent se maintenir à domicile, parce que leur logement est très bien desservi, que leurs réseaux de solidarité sont ici, et quand bien même voudraient-ils déménager dans le parc privé, leur situation financière ne le permettrait pas. » Ils y vieilliront, ce pourquoi 22 résidences de quatre étages viennent d’être équipées d’ascenseurs.

Le concept Habitat Facil’

Par ailleurs, Tours Habitat poursuit d’adapter, à la demande, l’intérieur des logements. « Les travaux sont réalisés dans un délai de trois à sept mois, entre la première visite (parfois en présence d’un ergothérapeute) et leur exécution, assure Alicia Rigaudière, responsable du service maintien à domicile.

« En 2006, c’était 50 interventions par an, c’est une centaine aujourd’hui », précise Marie Quinton, adjointe au maire déléguée au logement. « Le budget alloué est passé de 400 000 à 600 000 €. Un logement neuf est aujourd’hui adapté d’emblée aux personnes à mobilité réduite suivant des normes qui évoluent très vite, tandis que, dans le parc ancien, nous développons actuellement le concept Habitat Facil’. »

Ainsi, l’an prochain, au Sanitas, des logements T3 (ascenseurs et proximité du tram) seront transformés en T2, ou T2 en T1, tous équipés de douches siphon de sol, de WC surélevés, de lavabo PMR, d’un balisage lumineux de la chambre jusqu’à la salle de bains. Les portes pourront être motorisées, la fermeture à clé pourra couper l’eau et l’électricité ou commander la fermeture des volets roulants et de la lumière. Ce type d’appartements coïncide avec la création d’un poste de chargée de mission « habitat inclusif » occupé par Laure Ragueneau aux Alizées à Chanceaux-sur-Choisille et lui aussi appelé à se banaliser. Cette résidence
compte 10 logements Habitat Facil’ : « J’y mets en place des ateliers bien-être, programme avec les résidents la visite d’intervenants animant la salle commune, en plus d’être leur interlocuteur privilégié auprès du bailleur. » Du côté de Ligéris, son directeur Pierre Rochery consacre un budget de 200 000 €/an aux travaux d’adaptation de ses logements : « À chaque réhabilitation d’une résidence, une étude sur l’accessibilité est engagée, conduisant, comme actuellement rue Jean-Bernard Jacquemin, à l’installation d’une porte de hall automatique et coulissante, d’éclairages à détection et de volets roulants motorisés. Enfin, les locataires âgés, vivant dans des logements devenus trop grands et coûteux, se voient régulièrement proposer des logements plus conformes à leurs besoins. »

D’autres formes de chez soi

« La capacité à se projeter vers un habitat alternatif, malgré la charge affective liée au domicile, apparaît genrée dans les enquêtes. La femme anticipe l’inadéquation du foyer liée au vieillissement ; l’homme considère que, tant qu’il pourra conduire, se laver et se faire à manger seul, rien ne saurait lui être imposé », a constaté la sociologue Audrey Valin. Missionnée par le Club de l’Amélioration de l’Habitat (regroupant des acteurs majeurs, publics et privés, de la filière entretien-rénovation), elle analyse « les freins qu’opposent les propriétaires-occupants à la rénovation de leur logement » et s’intéresse au « Plan bien vieillir » de la Ville de Tours, aussi « parce qu’il promeut d’autres formes de chez soi ». Le béguinage, la colocation étudiants/personnes âgées, via les associations Un toit en partage ou Ensemble2Générations ou au sein des résidences autonomie du CCAS, aucune piste n’est éludée. Ainsi, est examinée la possibilité d’intégrer à la future résidence étudiante prévue sur Saint-Paul des logements seniors. Les étudiants qui accepteraient d’être leurs aidants bénéficieraient d’un loyer minoré.

Une « famille » librement recomposée

La volonté de finir ses jours dans une communauté librement choisie stimule les projets d’habitat participatif, axés sur l’entraide et la mutualisation des moyens (salle commune, buanderie et moyens de locomotion partagés). Sur l’emprise de l’école Claude Bernard (qui sera démolie et reconstruite en 2025), la Ville a réservé à cet effet 1 000 m 2 pour 15 à 22 logements. Un groupe d’habitants intergénérationnel s’est aussitôt formé, très motivé par sa doyenne, Catherine Richard, 77 ans, « locataire toute sa vie », souriant au souvenir de sa jeunesse à Tours lorsque « nous étions à peine six à y faire du vélo ». Pour étoffer le groupe, elle invite les personnes intéressées à contacter son collectif (www.facebook.com/habitattoursraspail ou par mail : habitat.claude.bernard@gmail.com) et l’énergie qu’elle déploie pour demeurer actrice de sa propre longévité fait ici écho au propos de Serge Guérin, sociologue spécialiste des questions liées au vieillissement : « La société commence tout juste à comprendre que l’on pouvait s’appuyer sur des personnes âgées : dans les associations bien sûr, mais songez aussi que 32 % des maires sont des retraités ! Et, sans ces retraités, le tissu associatif s’écroulerait, des territoires n’existeraient pas. »

Si l’on s’accommodait à 20 ans d’une ville fondée sur le triptyque « béton-bitume-bagnole », la situation est fort différente à 80 ans quand on se prend à chercher sous un soleil de plomb un banc à l’ombre d’un arbre. « Sans urbanisme adapté, avertit le Maire, c’est l’assignation à résidence qui guette la personne âgée tant elle craindra de sortir dans un environnement hostile et anxiogène. »

C’est pourquoi « tout chantier de voirie débute par une réflexion autour de la reprise des traversées piétonnes et de l’accessibilité des trottoirs », expose Martin Cohen, adjoint au maire délégué à la transition écologique et énergétique. « Le service Voirie et Circulation étudie et planifie très en amont la moindre opportunité de créer des îlots de fraîcheur et des espaces de convivialité, de concert avec la Direction du patrimoine végétal et de la biodiversité ». Ces deux services, attachés à celui de la Démocratie permanente, sont attentifs aux remontées du terrain émanant des Assemblées de Quartier (Tours Centre Ouest a mis en place un groupe projet « Bancs publics ») et du CCAS dont les marches exploratoires autour des résidences autonomie avec l’association Wimoov ont permis de cartographier difficultés et manques : « En 2023, une soixantaine de rues environ ont fait l’objet d’une intervention allant de travaux de continuité d’accessibilité à un réaménagement global avec embellissement. » L’intention, comme à l’intersection des rues du Rempart et Gohier dernièrement (chaussée rétrécie, végétalisation et continuité piétonne), est de donner l’envie de s’y saluer. Il s’agit aussi de créer des espaces de convivialité, comme le nouveau jardin partagé Saint-Exupéry, agrémenté d’une centaine d’arbres et de 350 arbustes, accessible par « un chemin de campagne », et non plus par une impasse bitumée. À Tours Nord, témoin des « largesses » accordées à la voiture, la reprise de la rue de la Bassée l’an prochain verra ses espaces verts croître sensiblement, passant d’une surface de 100 m 2 à 1000m 2.

Sans urbanisme adapté, c’est l’assignation à résidence qui guette la personne âgée tant elle craindra de sortir dans un environnement hostile et anxiogène.
Emmanuel Denis, maire de Tours

Une inversion des hiérarchies

« Nous aménageons de plus en plus de trottoirs traversants qui assurent une continuité dans les cheminements piétons, souligne Armelle Gallot-Lavallée, conseillère municipale déléguée aux transitions des mobilités. Comme l’instauration de zones 20 ou l’élargissement de zones piétonnes, ils profitent aux personnes âgées. »

Lancés le 23 octobre, les travaux rue Courteline suivent la même logique d’apaisement : élargissement des trottoirs, création d’un parvis pour le centre social, fosses pour des arbres de pluie illustrent la dynamique d’apaisement, allant de pair avec « un renversement des hiérarchies. La protection des plus fragiles (les piétons) prime et un nouveau code de la rue rappellera prochainement droits et devoirs de chacun. L’accès
au lien social comme le maintien en santé de nos aînés en dépend »
. Jérôme Bernasconi, directeur régional de Wimoov, ne contredirait pas l’élue : « La mobilité est un droit fondamental. Bien vieillir, c’est bien circuler. »

12 millions d’investissement

Enfin, parce qu’une promenade en bords de Loire est un plaisir qu’il est cruel de s’interdire, la Ville vient d’aménager une rampe adaptée, côté Tanneurs (son pendant du côté de la Grande Bretèche est prévu). 12 millions d’euros d’investissement sur quatre ans sont dédiés à ces travaux d’accessibilité (incluant les bâtiments publics). S’ajouteront au printemps les premiers chantiers relatifs au Schéma directeur vélo de la Métropole rues des Tanneurs, de Constantine et Marceau, avec bandes cyclables dans les deux sens : « Plus il y en aura, estime Armelle Gallot-Lavallée, moins les vélos et trottinettes seront tentés de rouler là où ils ne devraient pas sous peine de 135 € d’amende. »

« Amplifier les micro-solidarités et initiatives intergénérationnelles justifie la création au CCAS d’un poste de chargé de mission “Bien vieillir” pour mieux nous coordonner et soutenir la démarche globale d’aller vers les personnes isolées », souligne Rachel Moussouni. Suivant cette démarche, des associations se distinguent, telles Unis-Cité dont les services civiques assurent des visites de convivialité, ou Régie Plus en lien avec Klervi Poisson, responsable du développement social urbain à Tours Habitat : « Le public senior ne sollicite guère les structures proposant des activités en leur direction, précise-t-elle. Ils réclament surtout de pouvoir parler à quelqu’un. »

Le dispositif Territoire Zéro Chômeur, en soutenant l’activité d’un vélo taxi, a quant à lui permis à des seniors isolés de retrouver le marché Saint-Paul et de croiser les bénévoles du centre social Pluriel(le)s au Sanitas, sous leur « Tente d’Intervention Pour Invendu (TIPI) », centralisant les fruits et légumes laissés sur les étals. « L’action TIPI réunit deux fois par semaine des habitants, dont de nombreux Seniors, qui s’engagent sur ces sujets importants que sont la solidarité et l’anti-gaspillage alimentaire au Sanitas » souligne Aurélie Brunet de Wakup Studio. En tant que designer sociale, elle a initié le projet collaboratif et participatif “Place seniors”, et les nombreux ateliers ont fait émerger, entre autres, le besoin de créer un annuaire dédié aux publics séniors et à leurs aidants au Sanitas. En effet, dit-t-elle « les confinements successifs ont davantage mis en lumière les difficultés des publics et des aidants qui ne savent pas toujours quoi faire pour s’adapter aux évolutions physiques et psychologiques ». Aurélie Brunet finalise dorénavant cet annuaire, dans le cadre du PST Seniors, regroupant des professionnels du quartier impliqués auprès des publics vieillissants.

« Un senior sur six sort de son domicile seulement deux à trois fois par semaine. »
Jérôme Bernasconi, directeur régional de Wimoov

La Ville est un partenaire attentif avec lequel nous partageons beaucoup d’idées communes », estime Sarah Legland, chef d’unité de l’Équipe Régionale Vieillissement et Maintien de l’Autonomie (ERVMA) basée au CHRU. « La diffusion d’une image positive et éthique du vieillissement fait l’objet depuis cinq ans à Tours d’un congrès national et d’événements particuliers, comme le 10 octobre dernier, notre journée régionale sur la maltraitance des personnes âgées, en lien avec le Parquet général d’Orléans et l’institut médico-légal de Tours. La Ville de Tours nous soutient toujours. » Dans le cadre de son « Plan bien vieillir », il est envisagé de décliner « les Jeudis de la Santé » à l’Hôtel de Ville dans les quartiers, à l’occasion desquels était intervenu le Pr Bertrand Fougère, gériatre, pilote du programme national ICOPE, application pour auto-évaluer son autonomie après 60 ans.

Autonomie, dépendance : éviter la confusion

« La confusion est trop souvent faite entre perte d’autonomie et état de dépendance, c’est un écueil majeur, estime le socio-gérontologue, Antoine Gérard. Sous prétexte qu’une personne est atteinte de la maladie d’Alzheimer et donc privée d’une partie de son autonomie, on ne le lui laisse plus rien faire comme si elle était dépendante ! On passe à côté de ses vrais besoins et l’on contribue à sa dégradation morale », soit ’exact contraire du « bien vieillir ». Fin août, la présence à l’EHPAD Monconseil d’un bistrot éphémère porté par son association Bistro Bertha a répondu à ce qu’il estime être « une surmédicalisation de la société » : « Les résidents nous ont, en retour, offert plein de sourires, exprimé leur plaisir à partager un tel moment, et leurs proches aussi. » Bien entourés, bien encadrés, « ils nous ont dit leur surprise de pouvoir approcher à nouveau d’un comptoir ». Tout acteur de terrain qui abordera, comme lui, la question du vieillissement autrement que sous l’angle médico-social, mérite tout autant d’être soutenu, et sans modération !

Un parcours forme et bien-être au top !


La Direction des Sports de la Ville de Tours propose, en lien avec le CHRU, un programme d’activités sportives variées adapté aux seniors ainsi qu’aux personnes atteintes de maladies chroniques, élaboré avec les professionnels de santé. Deux niveaux de pratique sont indiqués selon les créneaux : programme doux ou programme rythmé.


Plus d’information au 02 47 70 86 86, du lundi au vendredi de 9 h à 16 h 30

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