Vue aérienne prise à l’est de l’avenue de la République, en direction du nord-ouest du plateau (1967).
Collection particulière © Archives municipales de Tours

Histoire

Le jour où Tours s’empara des Tourettes

Replongez dans l'histoire des Tourettes

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Les Tourettes, avant d’ajouter leur nom à la liste des quartiers prioritaires de la politique de la Ville, étaient une petite exploitation agricole, dont la transition urbaine se ferait à la vitesse d’un sportif au départ d’une course d’athlétisme.

Au début des années 50, les Tourettes n’étaient pas un quartier d’habitation, loin de là c’était même l’exact opposé : simple lieu-dit de la commune de Saint-Symphorien, celui-ci était indissociable de la closerie qui lui
donnait son nom, soit une petite exploitation agricole identifiée sur le plan cadastral de 1813 sous une autre appellation : La Tourelle. Ce qui s’explique : « En 1855, ce domaine est composé de cinq corps de bâtiments
et l’un d’eux consiste en une tourelle [avec colombier au sommet], éclaire Jean-Luc Porhel, conservateur en
chef de la Ville de Tours. On y produit sur un sol relativement pauvre des vins de qualité, appréciés des habitants de Tours. »
Sur les plans cadastraux au XIXe siècle, on lira successivement La Tourelle, puis les Courettes et enfin les Tourettes. Récit.


On « squatte » Les Tourettes

Mais revenons-en à ces années 50 où ce lieu-dit se trouvait confit dans un paysage inchangé depuis un siècle, entre hameaux, vignes et vergers aussi immuables que le pré aux vaches de la ferme Besnard, rue du Pas Notre-Dame ; quelques pavillons sortaient de terre, bien sûr, et la voirie était adaptée en conséquence, mais rien qui ne laissait présager la disparition en moins de quarante ans du caractère foncièrement rural de la commune. La closerie des Tourettes tenait encore debout, et la famille Suarez en était toujours propriétaire, mais, depuis qu’elle avait émigré en Bolivie au début des années 30, elle n’y avait plus remis les pieds. Ricardo Suarez, médecin, vit avec sa famille à La Paz et n’a cure de son domaine tourangeau, laissé à l’abandon. Durant la guerre, il a même servi de logements de fortune pour des familles sinistrées par les bombardements, avant que le Maire de Saint-Symphorien Louis Jouhanneau n’entrevoie de construire ici un stade. Il n’a guère le choix. La démolition de celui de la rue Pinguet-Guindon, désuet et dérangeant, est en effet conditionnée à la reconstruction d’un nouvel équipement sportif sur le territoire communal, ordre de la Préfecture.
Pour lancer ce chantier, il faut d’abord être propriétaire des Tourettes. Pour retrouver la famille Suarez, lui faire céder son bien, le notaire de la commune entame un marathon administratif entre le coteau de Saint-Symphorien et l’Altiplano à 10 000 km de là. « C’est dans les murs de l’ambassade de France à La Paz le 20 mars 1956 que tout se résoudra, avec la signature d’une procuration et la conclusion de l’affaire l’année suivante », raconte Guy Lalande, historien et animateur du groupe Mémoires des quartiers de Tours Nord, qui a exhumé cette anecdote historique.

Si le futur stade des Tourettes est à présent emblématique, « c’est d’abord au Clos-Moreau que l’on pense quand on songe à ce quartier », confie Thierry Lecomte, adjoint au maire délégué à l’emploi et à l’insertion ; il a grandi ici. En effet, la fusion Tours-Saint-Symphorien en 1964 allait armer le “starter” Jean Royer lançant au Clos Moreau une course retentissante aux logements neufs.

Tours, à l’étroit entre Loire et Cher

Éligible à d’importantes aides d’État, Tours ne disposait pas en effet du foncier nécessaire à la reconstruction d’habitats collectifs. Or, à la problématique du relogement des sinistrés de guerre, s’ajoutaient la cohorte des mal-logés et rapatriés d’Algérie, et l’impossibilité pour des familles (souvent nombreuses) des classes moyennes de trouver un toit à proximité de leur lieu de travail. C’est pourquoi, à l’étroit entre Loire et Cher, Tours lorgnait depuis longtemps sur Saint-Symphorien, commune à même de lui « offrir » sur un « plateau » le foncier manquant. Cela devait se faire, au grand dam d’Eugène Besnard, conseiller municipal de Saint-Symphorien,
devinant que les terres agricoles figuraient un juteux plat de résistance à l’ogre urbain : « C’est une honte, nous, les paysans, on vient tout nous prendre ! » s’exclama-t-il en vain lors d’un Conseil municipal, appelant à voter non à la fusion des communes. En vain. La messe (au Christ-Roi) était dite ; il n’y aurait bientôt plus d’autres havres de paix que dans les allées du cimetière La Salle. Un monde s’éteignait, un autre s’érigeait. La ferme Besnard sera la dernière des petites exploitations agricoles à être détruite, le programme d’habitats collectifs dessinés par l’architecte du Sanitas, Pierre Labadie allait pouvoir faire des petits. Pour l’heure, entre 1965 et 1968, poussent 312 logements HLM*, et, côté stade, les Tourettes deviennent le terrain de jeu d’un sportif de bon niveau, Michel Montaubin, futur premier adjoint de Jean Royer. C’est lui qui orchestre l’aménagement d’une piste d’athlétisme, avec les moyens du bord et beaucoup de système D. En 1968, l’équipement inauguré comprend un terrain de football, quatre pistes d’athlétisme, deux terrains de tennis, deux terrains de basket et trois terrains de boules. Suivront la piscine (1975) et une salle polyvalente-gymnase (1986) de 800 m² et diverses salles en sous-sol à destination de la vie associative.

Un quartier dense, qui s’appauvrit

Le quartier très dense compte à présent 2 000 habitants : 53 % de femmes, 34,7 % de moins de 25 ans et 19,2 % de population étrangère (d’après les derniers chiffres de l’INSEE). Secteur d’habitat social, deux bailleurs sociaux (Tours Habitat et Val Touraine Habitat) se le partagent. « Comme il concentre plus de 1 000 habitants dont une population en situation de décrochage, son éligibilité à des aides supplémentaires de l’État est devenue
possible au titre de la Politique de la Ville »
, rappelle Thierry Lecomte. Ce pourquoi le quartier des Tourettes a récemment ajouté son nom à la liste des quartiers prioritaires de la Métropole. « Il demeure, ajoute-t-il, un quartier tranquille qui entend le rester, d’où peu de gens veulent partir et qui compte sur des financements nouveaux pour engager enfin des travaux sur le gymnase et refaire la piscine dont l’état a restreint l’usage. »

Grande exposition en vue

Pour replonger dans l’histoire des Tourettes, une grande exposition commémorative se tiendra dans le péristyle de l’Hôtel de Ville le 1er juin prochain à l’occasion des 60 ans de la fusion de Tours-Saint-Symphorien-Sainte-Radegonde. Elle vous sera proposée par la Direction des Archives municipales en partenariat avec le groupe Mémoires des quartiers de Tours Nord.

(*) Pour en savoir plus : Tours se raconte, fascicule n° 6 : Le Clos Moreau : les débuts d’une résidence d’habitat social à Saint-Symphorien, accompagné d’un film documentaire : Du pré aux vaches au Clos Moreau. Disponible aux Archives municipales.

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