Des mariniers s'échinent à passer le pont Wilson : la Loire étant basse et le pont enroche ils sont obligés de haler les bateaux un par un nous rappelant la difficulté pour les humains comme les non-humains de remonter le fleuve.
Les Assemblées de Loire 2021 © Ville de Tours - F. Lafite

Environnement, Politiques publiques

Gloire à la Loire

Face au défi climatique et à l’érosion de sa biodiversité, le fleuve Loire a reçu le titre honorifique de « Citoyen d’honneur de la Ville de Tours ». Au-delà du symbole, la municipalité confirme son attachement indéfectible au fleuve, véritable trait d’union entre les Tourangelles et Tourangeaux, et s’engage à poursuivre ses actions en faveur de sa préservation et son rayonnement auprès des générations actuelles et futures.

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En mouvement perpétuel, la Loire sculpte sa « peau de sable et d’eau » et se fait le miroir du ciel. Ses îles, ses varennes et ses grèves sont autant de refuges pour la faune et la flore sauvages qui font du Val de Loire un espace essentiel en matière de biodiversité.

Comme aime le rappeler Christopher Sebaoun, conseiller municipal délégué aux questions relatives à la Loire et au Cher, « ce n’est pas le fleuve Loire qui traverse notre ville. C’est notre ville, et avant elle Caesarodunum, qui s’est construite dans et autour du fleuve Loire. Nos aïeux ont choisi ce territoire vivant pour habitat ». La Loire, joyau naturel et patrimonial, occupe une place centrale dans l’histoire, la culture, l’identité de notre région, mais aussi dans le cœur des Tourangelles et Tourangeaux qui en font un lieu de rencontres, de contemplation ou de ressourcement.

Depuis 2000, l’inscription du Val de Loire au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO reconnaît une valeur universelle exceptionnelle au paysage culturel ligérien dans son intégrité et son authenticité.

Un fleuve en danger

Pourtant, ce patrimoine vivant est aujourd’hui impacté par les effets du dérèglement climatique et les activités humaines. À la demande de la municipalité, Bruno Marmiroli, directeur de la Mission Val de Loire, entouré d’un comité scientifique*, a présenté un bilan de santé du fleuve lors du conseil municipal du 27 mai. La présence de polluants dans les sédiments, le réchauffement climatique, les rejets d’eaux chaudes, les prélèvements excessifs dans les nappes d’eau souterraines, les entraves à l’écoulement de l’eau ainsi qu’à la migration des poissons, altèrent les subtils équilibres de la Loire et de ses affluents. Il en résulte une érosion vertigineuse de la biodiversité ainsi qu’une extinction possible de certaines espèces, comme les saumons qui, autrefois, remontaient le fleuve par milliers pour gagner leurs frayères à la fin de l’hiver. Aujourd’hui, certaines populations sont en danger. Ces menaces interrogent sur les moyens d’action qui permettent de défendre les droits de la nature et de repenser nos liens avec les milieux naturels.

*Un comité scientifique composé de Catherine Boisneau, docteur en écologie, Stéphane Rodrigues, docteur en sédimentologie fluviatile et Mathieu Bonnefond, géographe de l’environnement.

Le fleuve Loire est l’écosystème nécessaire à la survie de notre espèce. Nous le partageons avec une indivisible communauté de vivants. Dans un monde sans pétrole, il sera à nouveau la part de la biosphère qui nous abrite, nous nourrit, et nous permet de vivre.

Christopher Sebaoun, conseiller municipal délégué aux questions relatives à la Loire et au Cher, à la préservation du patrimoine fluvial

Citoyenneté d’honneur attribuée à la Loire : une première en France !

Pour Christopher Sebaoun, « il est urgent d’adopter une posture plus humble face à des équilibres qui surpassent notre capacité et notre volonté à tout maîtriser. Il est temps de donner le signal que nous avons entendu et compris les alertes lancées depuis des décennies par les scientifiques et les associations qui connaissent le fleuve ».

Pour concrétiser cette démarche, la municipalité a décidé d’élever la Loire au rang de citoyenne d’honneur : une première en France, un vote symbolique, riche de promesses. En effet, selon notre système juridique, un écosystème n’est pas un sujet de droit. « Même s’il n’est pas reconnu par la loi, le fleuve possède un droit intrinsèque à exister et remplir toutes ses fonctions écologiques », défend Christopher Sebaoun, qui a porté cette initiative. Par ce vote, la collectivité reconnaît les nombreux services rendus par la Loire aux Tourangelles et Tourangeaux : bien-être, rafraîchissement, beauté exceptionnelle du paysage, nourriture, eau de consommation et d’irrigation, production d’énergie… Elle accorde symboliquement la valeur d’individu à cet ensemble vivant, qu’elle considère comme faisant partie de la communauté de vie des Tourangelles et des Tourangeaux. Elle doit par conséquent lui porter attention et écoute, au même titre que n’importe quel autre citoyen Tourangeau.

Par conséquent, toute atteinte à l’intégrité ou aux intérêts des milieux vivants ligériens, fera l’objet d’une réaction de la collectivité qui visera à leur protection, restauration ou dédommagement, par tout moyen à sa disposition.

Le cœur posé sur la Loire, la Ville agit !

Le « Peuple de Loire » fait corps avec son fleuve

L’eau qui coule dans nos robinets est celle de la Loire : c’est une source de vie à laquelle nous devons apporter toute notre vigilance. La reconnaissance de la personnalité juridique du fleuve nous permettrait de mieux le défendre et le respecter.

Emmanuel Denis, maire de Tours

« Pour faire face à l’effondrement de la biodiversité, la communauté scientifique nous explique qu’il faut
trouver une autre façon de considérer le vivant, résume Christophe Dupin, adjoint au maire délégué à la culture. Comme il y a eu la Renaissance, puis le siècle des Lumières, qui ont abouti à l’égalité juridique de tous les hommes, nous sommes au début d’une nouvelle ère ! A la fin du XIXe siècle, nous avons
attribué une personnalité juridique aux entreprises pour les protéger, il est temps de travailler sur la personnalité des entités naturelles. Je suis très fier que Tours soit la première ville à se questionner sur les droits de la nature. En cela, nous avons besoin des artistes pour nous raconter l’histoire de notre lien à la Loire, pour nous faire apprécier une autre façon de vivre ensemble, avec le vivant. »

Tout naturellement et à la demande de la municipalité, le fleuve Loire est le fil rouge thématique autour duquel se développe la programmation de la Guinguette de Tours sur Loire. Le fleuve n’est plus seulement un décor ou un écrin, mais bel et bien un espace vivant avec lequel on vit, au quotidien et en proximité, de nuit comme de jour. Pilotées par Le Petit Monde, les propositions artistiques du nouveau festival « Peuple de Loire » explorent cette complicité avec le fleuve, en mettant en scène des moments poétiques, ludiques, participatifs ou contemplatifs.

Ainsi, le dernier temps fort du festival « Peuple de Loire » proposera des expérimentations artistiques qui offrent de nouveaux rapports avec le vivant. Vendredi 30 août à 20 h, sur l’île Simon, la compagnie Mycélium proposera de rentrer en communication avec les chauves- souris à travers un dispositif innovant de détecteur d’ultrasons permettant de chanter et de faire de la musique avec elles. Samedi 31 août à 19 h, « Le Son des Voiles », écrit par le beatmaker tourangeau Beat Matazz, associera musique et danse hip-hop/ contemporaine sur, et autour du
« Beat Boat » : un petit bateau-scène qui servira de refuge et également de source sonore. Enfin, dimanche 1er septembre, « Le PetitMondathlon » clôturera le festival « Peuple de Loire ».

« En partenariat avec l’association Boutavant, La Rabouilleuse et le Petit monde organiseront des épreuves sportives par équipe en lien avec la batellerie : grimpe sur mat, lancer de corde, maniement de la bourde… annonce Ninon Bardet, coordinatrice du festival. Au-delà de l’aspect ludique, il s’agit de sensibiliser le public aux savoirs nautiques ligériens traditionnels. »

La sterne est devenue le symbole de notre attachement au vivant. Nous avons décidé de ne plus tirer de feu d’artifice à partir des îles de Loire, car ce sont des aires protégées qui accueillent la reproduction de ces oiseaux migrateurs fragiles.

Christophe Dupin, adjoint au maire délégué à la culture et aux droits culturels

Depuis 2021, la municipalité met en œuvre des actions très concrètes en faveur de la préservation des écosystèmes liés à la Loire :

  • L’arrêt des feux d’artifice tirés sur la Loire pour protéger la nidification des sternes ;
  • L’application d’un nouveau référentiel d’urbanisme qui impose l’infiltration de l’eau pluviale à la parcelle pour toute nouvelle construction, ainsi que l’interdiction de faire obstruction au libre écoulement de l’eau ;
  • La renaturation du Petit Cher et de la Petite Gironde, via son action au sein des syndicats de rivière ;
  • L’amélioration de l’accès à la découverte du patrimoine fluvial pour toutes et tous, par l’instauration de gratuités à destination d’habitants de quartiers prioritaires de la Ville pour les balades fluviales de découverte naturaliste, conduites par l’association tourangelle Boutavant ;
  • L’expérimentation en 2023 d’un programme de médiation portant sur la découverte naturaliste du fleuve, la prévention de ses dangers et des facteurs de pollution, avec l’appui de volontaires en service civique ;
  • La désartificialisation des sols et la reconquête de la nature en ville, dont le programme « Récré en herbe » est une illustration exemplaire ;
  • La baisse des prélèvements destinés à la production d’eau potable dans la nappe profonde du Cénomanien ;
  • La saisie du procureur du tribunal de Tours pour une pollution aux hydrocarbures du ruisseau de la Petite Gironde.

Nous sommes Loire

Depuis 2021, la Ville de Tours s’est pleinement investie dans les travaux du « Parlement de Loire », initiés par le Polau (Pôle Arts & Urbanisme), qui visent à faire reconnaître les droits du fleuve et lui donner une voix dans le débat démocratique. Elle accueillit la grande manifestation pluridisciplinaire « Les Assemblées de Loire », qui fut le point de départ des soixante mariniers à bord de vingt bateaux de Loire, pour la remontée du fleuve jusqu’au Festival de Loire à Orléans. De retour de ce périple fluvial, le Collectif « vers un Parlement de Loire », vit le jour afin de poursuivre les travaux menés par la Commission.

L’année 2023 marqua une nouvelle étape avec la signature par Emmanuel Denis, maire de Tours, du Manifeste de Loire, qui alerte sur l’étiolement, la pollution et le dépérissement général du cours d’eau et propose de passer à l’action. Cette signature concrétise la volonté de la Ville de s’impliquer pleinement dans la sauvegarde de la Loire, tout en encourageant la coopération avec les acteurs locaux et nationaux pour garantir un avenir durable au fleuve. Ce Manifeste de Loire est affiché à la Guinguette de Tours sur Loire et disponible sur le site parlementdeloire.org ; tous les citoyens et citoyennes sont invités à le signer en témoignage de leur engagement.

Changer notre regard sur la Loire

D’ici la fin de l’année 2024, le collectif « Vers un parlement de Loire » va se structurer en association-réseau. « Il s’agit de fédérer toutes les collectivités et acteurs à l’échelle de tout le bassin versant, s’enthousiasme Ninon Bardet, coordinatrice du collectif « Vers un parlement de Loire ». Bien évidemment, la reconnaissance juridique du fleuve et l’écriture d’une « déclaration des droits du fleuve » seront l’un des chantiers prioritaires de cette association. » Un autre volet concernera la valorisation des savoir- faire ancestraux : ces connaissances pratiques qui permettent de rentrer en dialogue avec le fleuve, de revenir à une appréhension très concrète de la Loire. L’ambition serait d’inscrire au Patrimoine culturel immatériel de la France, et à terme, au Patrimoine mondial de l’Unesco, les savoirs nautiques ligériens, comme la construction de bateau, la batellerie traditionnelle, les fêtes marinières, la pêche… L’association travaillera également sur les interactions entre les êtres vivants humains et « non humains », ainsi que sur l’accompagnement aux politiques publiques de la ressource en eau.

Un enjeu commun à défendre collectivement

Pour Bruno Marmiroli, « la santé du fleuve ne se résume pas à la qualité de l’eau, à la présence de polluants, ou au taux de sédimentation. Ce qui est intéressant, c’est d’articuler les connaissances scientifiques avec d’autres formes de savoir, qui racontent notre attachement à la Loire. Au-delà des savoirs académiques, il s’agit de prendre en compte des savoir-faire ancestraux, des pratiques héritées, des gestes quotidiens ancrés dans la tradition et de fédérer d’autres acteurs de la connaissance, comme les bateliers, les pêcheurs ou les collectivités territoriales… Tous ces collectifs qui vivent le fleuve au quotidien en sont les gardiens, les véritables ambassadeurs. Pour que chacun se sente concerné par la santé du fleuve, et le respect de son intégrité, il faut qu’il y ait un attachement. Dans un monde où les clivages sont importants, la défense de la Loire s’impose finalement comme un enjeu commun, fédérateur et consensuel », conclut-il.

Pour en savoir plus :

Quelques étapes au fil de l’eau

  • 1989 : Fondation de SOS Loire Vivante – ERN France.
  • 2000 : Inscription de la Loire au Patrimoine mondial de l’Unesco.
  • 2019 : Création du « Parlement de Loire » à l’initiative du POLAU (Pôle Arts & Urbanisme) : lancement d’une recherche collective pour imaginer l’institution potentielle d’un écosystème fluvial.
  • 2021 : Le projet s’élargit à un collectif « Vers un Parlement de Loire », qui réunit le Polau, la Mission Val de Loire, l’Université Populaire pour la Terre de Tours, la Rabouilleuse-école de Loire, la Maison des Sciences de l’Homme de Tours, le Petit Monde, Nat Explorers – Loire Sentinelle et Ligere. L’écrivain et juriste Camille de Toledo publie le livre « Le fleuve qui voulait écrire » qui compile les auditions du Parlement de Loire. La Ville de Tours accueille « Les Assemblées de Loire », grande manifestation pluridisciplinaire, qui mêle arts et sciences.
  • 16 Juin 2023 : Signature du Manifeste de Loire par Emmanuel Denis, maire de Tours, et Philippe Descola, philosophe.
  • 8 et 9 septembre 2023 : Étape tourangelle de « La Grande Remontée » de la Loire, de Nantes à Orléans.
  • 27 mai 2024 : Présentation au Conseil municipal d’un état de santé du fleuve par un comité scientifique, puis lecture du rapport d’attribution de la Citoyenneté d’honneur de la Ville de Tours au fleuve Loire.
  • 2025 : Projet du « Droit à la Loire », organisation de courts séjours destinés à des adolescents, combinant activités sportives, découverte du milieu ligérien et activités de sensibilisation à l’environnement.
  • 2028 : « Vers une Internationale des rivières » poursuit le travail initié avec la démarche des auditions du Parlement de Loire, en partenariat notamment avec Bourges, capitale européenne de la culture 2028.

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